Réunification : une ministre de la République ne devrait pas dire ça
Le mercredi 9 juin dernier, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, était auditionnée devant la commission de l’aménagement du territoire du Sénat. Consacrée à l’étude du projet de loi dit « 4D » (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification), cette réunion a mis en lumière le dédain par lequel le gouvernement traite la réunification de la Bretagne.
A une question du sénateur de Loire-Atlantique, Ronan Dantec, sur la possibilité d’intégrer le référendum sur le rattachement de ce département à la Région Bretagne dans la loi 4D, la ministre lui a répondu que ce n’était « pas tellement à l’ordre du jour ». Avant de conclure par un « je vais devoir y aller »coupant court au débat et après avoir débuté son propos par un « vive la Bretagne, vive les Bretons »suintant le mépris.
Sur le fond comme sur la forme, Madame Gourault n’a donc pas été à la hauteur.
Sur le fond d’abord. Dans son troisième alinéa, l’article 72-1 de la Constitution française prévoit que « lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées ». Il ajoute que « la modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi ».
Or, la loi 4D a pour objet de faire évoluer le « cadre de relation entre l’Etat et les territoires » et de « favoriser, partout, les initiatives et les projets des collectivités territoriales »[1]. Il est donc difficile de ne pas y voir un outil approprié à la discussion d’un redécoupage régional, dans le respect de l’article 72-1 précité et par égard pour les 105.000 électeurs de Loire-Atlantique ayant exprimé cette volonté dans le cadre d’une pétition organisée en automne 2018 et pour les nombreuses communes bretonnes ayant adopté un vœu en ce sens.
Sur la forme ensuite. Dans une démocratie, les opinions contraires sont essentielles. Celles à l’égard de la réunification de la Bretagne sont légitimes et il est bien entendu dans le droit de Jacqueline Gouraultd’exprimer son désaccord.S’il s’agit d’apaiser les craintes sur le principe d’égalité des territoires et sur le maintien de l’unité nationale, un débat raisonné permettrait d’argumenter sur le fait que le rattachement de la Loire-Atlantique ne menace aucun des deux.
Mais que répondre au mépris ? Renvoyés à leurs « chapeaux ronds » par une ministre de la République, les Bretons – par l’intermédiaire de leurs parlementaires – n’ont d’autre choix que de s’unir et d’opposer à ce dédain la force du droit et du nombre.
Par le droit, il revient aux sénateurs et aux députés d’amender le projet de loi 4D pour y intégrer l’organisation d’un référendum auprès des électeurs de Loire-Atlantique – dans un premier temps – sur leur souhait ou non d’un rattachement de leur département à la Région Bretagne. Il faudra ensuite peser de tout son poids pour que la question de la différenciation fasse l’objet d’une révision de la Constitution tant il s’agit – comme l’envisageait initialement le président de la République – de « repenser en profondeur l’interaction entre l’État et les collectivités »[2].
Le succès de ces initiatives dépend donc aussi du poids politique et du nombre de leurs dépositaires. Dans le cadre d’une démarche transpartisane, ces derniers doivent s’adresser à Emmanuel Macron en lui rappelant ses propos tenus lors de la conférence nationale des territoires de juillet 2017, à savoir qu’il fallait « construire ce pacte girondin » qui « redonnera aux territoires les moyens d’agir dans une responsabilité partagée ». Tout comme ceux exprimés lors de son discours de Quimper de juin 2018 visant à « faire de la Bretagne un laboratoire de cette décentralisation de projets ».
Et peut-être qu’au mépris de la ministre de la cohésion des territoires répondra la mémoire du président de la République.
Arnaud Platel
Conseiller municipal de Plomelin et conseiller communautaire de Quimper Bretagne Occidentale
[1]Projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, exposé des motifs.
[2]Discours d’Emmanuel Macron au Sénat lors de la conférence nationale des territoires, 18 juillet 2017.