La ligne Rennes-Châteaubriant-Nantes, héritière de l’histoire du train en Bretagne

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Pour être tout à fait honnête, cette ligne Rennes-Nantes par Châteaubriant, si elle a existé physiquement, n’a jamais vraiment fonctionné comme telle. Et l’histoire du train en Bretagne explique, en partie, pourquoi. Mais qui dit qu’un rendez-vous manqué doit le rester ?

Un peu d’Histoire…

Le train arrive en Bretagne, par Nantes, en 1851. Il arrive à Rennes en 1857. A partir de 1851 on assiste à un formidable déploiement de lignes de chemins de fer en Bretagne et, déjà, apparaît cette tension est-ouest qui provoque des débats intenses entre les élus de l’Armor tenants des lignes côtières et ceux de l’Argoat partisans de lignes passant par le centre Bretagne ; l’Etat ayant déjà fait le choix de faire rayonner les lignes principales à partir de Paris. Ce sont les villes côtières qui remportent la donne avec des arguments économiques, dont certains touristiques (déjà !) et qui vont ainsi donner au schéma ferroviaire breton un visage qui est grosso-modo toujours le sien aujourd’hui. Avec pour conséquence l’intégration dans les esprits et les organisations de la liaison ferroviaire Rennes-Nantes par Redon.

Le train arrive à Châteaubriant en 1877, 26 ans après son arrivée à Nantes. Là encore, c’est la mobilisation des élus qui le permet. A l’époque le train est l’outil du développement économique et social des territoires. Il est l’outil des mobilités des personnes et des marchandises. Il détrône le fluvial trop lent et freine le routier qui ne dispose pas encore des véhicules automobiles qui le rendront progressivement hégémonique à partir de 1945. En cette fin XIXème se pose la question de relier rapidement Laval à la Loire. Les Ponts-et-Chaussées défendent l’option d’une ligne Laval-Angers. Les élus défendent l’option Laval-Nantes par Châteaubriant. La situation du rail en Bretagne dans ces années-là est faite des lignes principales est-ouest, côtières, qui ne suffisent pas à transporter les millions de voyageurs et de tonnes de marchandises annuels. On les complète par les lignes transversales secondaires qui irriguent la Bretagne du Nord vers le Sud. Toute la Bretagne ? Non : le territoire à l’est de la route nationale de Nantes-Rennes jusqu’aux confins du Maine et de l’Anjou est oublié. Ce qui désigne Châteaubriant capitale du « quadrilatère du vide » comme il est dit avant 1877. C’est pour combler ce vide que le 23 décembre 1877 le premier train entre en gare de Châteaubriant en provenance de la gare de Nantes-Orléans. Et que Laval sera reliée à l’estuaire de la Loire et donc au plus important centre économique et industriel de Bretagne.

Le 23 décembre 1881, quatre ans plus tard, le premier train en provenance de la gare de Rennes entre à son tour en gare de Châteaubriant. Si les infrastructures vers Nantes sont réputées de bonne qualité, celles qui conduisent vers Rennes sont, dès la construction, qualifiées de médiocres, avec des passages obligeant « à ne rouler qu’à 40 km/h ». Si les deux sections de la ligne répondent à peu près correctement aux besoins des usagers pendant toute la durée du boom ferroviaire il est possible de constater que, dès la mise en service, la qualité de la prestation ne permet pas d’envisager son développement. Relier les deux villes principales de Bretagne directement par Châteaubriant ne semble pas considéré, ou même envisagé. Quand des lignes secondaires de l’étoile castelbriantaise sont fermées progressivement pour ne laisser en service que les liaisons vers Nantes et Rennes, la gare de Châteaubriant est considérée comme terminus par les deux villes. Des fiches horaires de 1969 nous le montrent très bien, malgré que la ligne ne soit pas encore coupée en deux par le quai de la honte que nous connaissons depuis 2014. A ce ceci près qu’à l’époque les correspondances en gare de Châteaubriant sont quand même prévues. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ! Paradoxalement, la section Châteaubriant-Nantes est fermée à l’exploitation commerciale entre 1989 et 2014 alors qu’elle est techniquement dite de bonne qualité. La section Châteaubriant-Rennes, dite médiocre, ne connaît pas de rupture d’exploitation (sauf travaux d’entretien ou de rénovation), devenant en 2016 la première ligne TER et monovoie de Bretagne administrative avec plus de 500 000 voyageurs sur l’année !

Le 28 décembre 2021 nous célébrerons les 140 ans de la section Rennes-Châteaubriant entièrement rénovée. Nous aurions pu ne rien fêter car il a été sérieusement question de fermer cette ligne pourtant rentable et utile. La section Châteaubriant-Nantes fonctionne depuis 2014 avec un TER tram-train qui peine à trouver une fréquentation et une qualité de service. Si l’histoire explique le ratage d’une liaison pertinente entre Rennes et Nantes par Châteaubriant au profit de Redon, on a peine à comprendre la récidive en provoquant la rupture de continuité de la ligne en gare de Châteaubriant et en installant deux modes d’exploitation dont un, le tram-train, est reconnu inadapté sur ce type de profil de ligne par les spécialistes de la question ferroviaire.

Et pour demain ?

Pourquoi cette situation ? Manque de concertation et de coordination entre les différentes autorités organisatrices des transports et des mobilités ? Arrière-pensées politiques ? Querelles politiques ou confrontation d’egos ? Séquelles de la rivalité Nantes-Rennes ? Produits de l’histoire ? Symbolisation paroxystique de la partition administrative de la Bretagne ? Certes, ces facteurs n’améliorent pas les choses. Mais il est probable que les choix opérés à la fin du XIXème siècle, et qui teintent toujours la doctrine ferroviaire jacobine et centralisatrice française, expliquent qu’il n’est pas possible en 2021 de rejoindre Rennes et Nantes en train par Châteaubriant. Alors même que tous les indicateurs urbanistiques, économiques, sociaux, culturels, écologiques, environnementaux et on en passe, plaident pour ! L’actuel vice-président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a déclaré un jour qu’une liaison ferroviaire Nantes-Rennes par Châteaubriant était une fausse bonne idée. Ce qui est une vraie mauvaise idée c’est d’avoir refusé d’anticiper pour les générations futures et sur les conséquences du développement de Nantes et de Rennes pour travailler à une liaison ferroviaire performante entre ces deux métropoles bretonnes, complémentaire à celle par Redon et permettant un rééquilibrage territorial avec le reste du Vieux Pays. Car, à force de ne faire qu’aux frontières de sa lorgnette et de n’en rester qu’aux mauvaises habitudes prise depuis 150 ans, on finit par maintenir, sinon recréer, un « quadrilatère du vide. »

Heureusement, des élus nombreux (une fois de plus), particulièrement en Ille-et-Vilaine, et des citoyens se mobilisent pour changer le cours de l’histoire et le faire couler là où il doit. C’est une mobilisation pluri-décennale qui les attends. Il a fallu 30 ans entre l’arrivée du train à Nantes et l’arrivée du premier convoi à Châteaubriant en provenance de Rennes. Nous ne sommes donc pas à 6 mois près ! Un jour, entre 2035 et 2050, il y aura un TER qui roulera à l’hydrogène et qui reliera Rennes et Nantes par Châteaubriant sans changements et avec une qualité de service remarquable. C’est inéluctable !

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